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Tribunal international des peuples : les États-Unis, Marcos et Duterte coupables de crimes de guerre massifs

Communiqué de presse ICHRP de presse, 18 mai 2024 – Tribunal international des peuples

Bruxelles, Belgique (17-18 mai) – Le Tribunal international des peuples à Bruxelles a entendu des témoignages poignants de victimes et d’experts détaillant les violations généralisées des droits humains et du droit international humanitaire commises par le gouvernement philippin et ses forces militaires sous les régimes Marcos et Duterte avec l’appui du gouvernement des États-Unis.

« La Coalition internationale pour les droits humains aux Philippines (ICHRP) est honorée d’apporter son soutien au Tribunal international des peuples (IPT) sur les Philippines en 2024, dans le but d’enquêter sur les violations présumées du droit international humanitaire et les crimes de guerre contre le peuple philippin », a déclaré Peter Murphy, président d’ICHRP. « Les témoins ont montré le courage et la détermination du peuple philippin à faire valoir ses droits fondamentaux à la vie, à la liberté, à l’autodétermination et au développement humain ».

L’IPT est un mécanisme quasi judiciaire par lequel des preuves sont présentées à un panel de jurés pour rendre un jugement sur des accusations spécifiques, en l’occurrence des crimes de guerre commis dans le contexte de la guerre civile aux Philippines. Les jurés étaient : Lennox Hinds, professeur de droit à l’Université Rutgers et ancien conseiller juridique du Congrès national africain (ANC), Suzanne Adely, présidente de la National Lawyers Guild (États-Unis), Séverine De Laveleye, membre de la Chambre des représentants de Belgique, Julen Arzuraga Gumuzio, membre du Parlement basque, et l’archevêque Joris Vercamen, ancien membre du Comité central du Conseil œcuménique des Églises. Le panel d’éminents juristes a entendu pendant deux jours les témoignages de 15 témoins portant sur des violations spécifiques du droit international humanitaire.

Violations du droit international humanitaire sous Duterte

Dès le premier jour, les victimes ont fourni des récits glaçants d’exécutions extrajudiciaires, de torture, de disparitions forcées et d’attaques contre les communautés autochtones qui défendaient leurs terres ancestrales contre l’exploitation minière et le pillage des entreprises, sous le régime du président Duterte. Il s’agit notamment du témoignage de Brandon Lee, un citoyen américain devenu militant dans la province d’Ifugao qui a été abattu par des agents présumés de l’État après avoir été victime de red-tagging, menacé et placé sous surveillance. Lee a survécu et il est maintenant tétraplégique, mais selon ses propres mots, « continue d’utiliser sa voix » pour le changement social.

Ariel Casilao a parlé du meurtre brutal du consultant dans le cadre des pourparlers de paix, Randall Echanis, à son domicile alors qu’il dormait en août 2020. « La brutalité, la barbarie et la cruauté du meurtre de Ka Randy sont une violation flagrante du droit international humanitaire et de toutes les lois en vigueur aux Philippines », a ajouté Casilao. Il a été une figure clé dans les négociations de paix.

Eufema Cullamat a témoigné sur le meurtre et la déshumanisation de sa fille, Jevilyn Cullamat, par des soldats. Cullamat a expliqué que les soldats ont photographié le cadavre de sa fille comme s’il s’agissait d’un « trophée de guerre ».

Le témoin Jeany Rose Hayahay a décrit comment les écoles publiques pour enfants autochtones de Mindanao ont été qualifiées de centres de recrutement « communistes » et constituent des cibles permanentes, leurs enseignants bénévoles sont tués ou accusés de terrorisme. La loi martiale à Mindanao a induit une militarisation accrue du territoire, la restriction des mouvements sociaux et la normalisation de l’impunité contre les peuples Lumad.

Violations du droit international humanitaire sous Marcos Jr.

Le deuxième jour a porté sur les violations commises depuis que Ferdinand Marcos Jr. est devenu président en juillet 2022.

Jonila Castro a délivré un témoignage poignant. Elle qui, avec un collègue, Jhed Tamano, a été enlevée par l’armée en septembre 2023 dans la province de Bataan. Après 17 jours d’interrogatoire, ils ont été présentés par l’armée et la NTF-ELCAC (organe gouvernemental en charge de la contre-insurrection) comme des membres de la New Peoples’ Army (NPA) en reddition, lors d’une conférence de presse publique. C’est là que tous deux se sont rétractés et ont révélé leur enlèvement par l’armée et la police. C’est un exemple parmi d’autres de militants civils pris pour cible par l’armée.

Un autre témoin a fait état de bombardements aériens aveugles et de bombardements de communautés dans les villages des hautes terres de la province de Kalinga. L’armée a mené plusieurs bombardements aériens dans deux barangays de la municipalité de Balbalan entre le 5 et le 9 mars 2023. Le 9 mars, au moins 6 bombes ont explosé près de l’école primaire de Gawaan, mettant en danger les élèves et les enseignants. Ces incidents constituent de multiples cas de ciblage de civils et d’infrastructures civiles. Il a par ailleurs été souligné que les communautés attaquées étaient également des sites potentiels pour un grand projet hydroélectrique auquel les résidents s’opposaient.

Un autre crime de guerre exposé est le meurtre de 5 combattants de la NPA à Bohol en février 2024. L’armée a affirmé qu’elles avaient été tuées lors d’un affrontement, mais des témoins et des publications sur les réseaux sociaux prouvent que les victimes étaient toujours en vie et ont été détenues par l’armée avant d’être torturées et de succomber à leurs blessures. Les preuves démontrent que les 5 ont été victimes de crimes de guerre, en particulier du non-respect des Conventions de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre.

A également été entendu le témoignage d’Emile Fausto sur le meurtre de ses parents et de ses jeunes frères âgés de 14 et 11 ans par l’armée philippine le 14 juin 2023. Ses parents étaient membres d’une organisation agricole locale, tous les quatre ont été abattus dans leur maison pendant leur sommeil. Ils ont été ciblés en raison de leur appartenance au groupe d’agriculteurs locaux. Ils ont été victimes de menaces constantes de la part de l’armée et se sont plaints aux autorités de harcèlement militaire. Le 94e bataillon d’infanterie a été identifié comme l’auteur de ce crime, le père avait déjà été agressé physiquement par des soldats en détention pour avoir soutenu la NPA.

De nombreuses victimes ont témoigné de l’absence de distinction entre civils et combattants faite par le gouvernement philippin dans sa guerre contre le mouvement révolutionnaire. La campagne de contre-insurrection a délibérément ciblé des civils, ce qui a entraîné un harcèlement systématique – comme l’ont montré le cas de la défenseure des droits humains Hailey Pecayo, les cas de Jhed Tomano et Jonila Castro -, et est allée jusqu’à la tentative d’assassinat et le meurtre d’un militant politique civil.

Des crimes de guerre commis avec l’approbation des États-Unis

Marjorie Cohn, juriste américaine et professeure de droit émérite à la Thomas Jefferson School of Law, témoin experte en autodétermination et en droit international, a déclaré que le gouvernement philippin, avec le plein soutien des États-Unis, s’est engagé dans une « répression violente du peuple philippin » et des violations qui constituent des « crimes de guerre en vertu du droit international humanitaire ». Elle a affirmé que la lutte armée du Front national démocratique (NDFP) constitue une guerre légitime de libération nationale au regard des conventions internationales.

Teddy Casino, une personne-ressource de la contre-insurrection aux Philippines, a témoigné que les États-Unis ont secrètement permis le vaste programme de contre-insurrection de l’armée philippine qui cible et terrorise sans discernement les populations civiles. Il a révélé que même si les États-Unis critiquaient ouvertement la guerre brutale contre la drogue menée par l’ancien président Duterte, ce pays a fourni des millions de dollars en aide militaire et en ventes d’armes. « Le programme actuel de contre-insurrection du gouvernement philippin [est] inspiré, financé, conçu  et fourni par le gouvernement des États-Unis », a déclaré Casino. « La main des États-Unis a été présente à chaque itération de la campagne anti-insurrectionnelle philippine et des violations des droits humains et du droit international humanitaire qui en ont résulté. »

L’accusation a établi, par des preuves abondantes et crédibles, que les accusés, en menant leur campagne anti-insurrectionnelle pendant le conflit armé, se sont délibérément livrés à une litanie de violations flagrantes du droit international humanitaire contre le peuple philippin. Le gouvernement des États-Unis a joué un rôle clé en se rendant complice de ces atrocités. Ces crimes odieux comprenaient le meurtre de civils, des attaques intentionnelles contre des civils, des guerres aveugles causant des blessures et des dommages environnementaux excessifs, des déplacements forcés, le blocage de l’aide humanitaire, des actes de terreur contre des civils, des exécutions extrajudiciaires, des tortures, la profanation des morts, des enlèvements, des détentions illégales et des accusations forgées de toutes pièces.

Après un examen minutieux des nombreuses preuves présentées, le tribunal a déclaré à l’unanimité les accusés Ferdinand Marcos Jr., l’ancien président Duterte, le gouvernement philippin, Joseph R. Biden et le gouvernement des États-Unis coupables de crimes de guerre et de violations présumés du droit international humanitaire.

Ce verdict sans équivoque condamne de manière retentissante le mépris flagrant des accusés pour les règles internationales des conflits armés et des droits humains fondamentaux.